Je sais pas ce que j'ai à te parler de seins en ce moment, je dois être en manque de pervers qui déboulent sur mon blog je ne vois pas d'autre explication.
Je n'ai jamais aimé mes seins. Je suis complexée par mes seins.
J'ai une malformation qui fait qu'ils ne sont pas franchement esthétiques, surtout l'un des deux particulièrement touché. Pour garder un peu de mystère, je n'entrerai pas dans les détails mais voilà, au moment de la fabrication, ya eu une couille et je me suis retrouvée dès le début avec pas vraiment les seins de Virginie Ledoyen, mon idole poitrinesque.
Tu vois c'était quand même pas bien compliqué salope de Nature, je voulais ÇA.
Je ne m'en étais pas rendue compte quand ils ont commencé à pousser. C'est ma mère qui un jour est entrée par accident dans la salle de bain au moment où je sortais de la douche. C'est sorti tout seul : "oh mais ma chérie biiiiiiiiiiip" (biiiiiiiiip étant bien sûr la description du problème)
Cet instant, je m'en rappelle comme si c'était hier. Je pourrais te refaire la scène les yeux fermés. Je me suis tournée vers la glace, et j'ai vu. Et putain, ça sautait aux yeux, je ne sais même pas comment j'ai pu ne pas m'en apercevoir.
Je crois que là, j'ai pris conscience que d'une part j'avais de la poitrine, mais d'autre part, que j'en avais déjà honte. J'avais 13 ans.
A 14 ans, je me plaignais de mon dos. Le médecin a demandé que je fasse une radio de ma colonne vertébrale. Ma mère a pris rendez-vous à l'hôpital. On a attendu, on m'a appelée. Ma mère était priée d'attendre dans la salle d'attente.
Je suis entrée dans cette pièce froide et sombre, juste éclairée par des néons et un soupirail. On m'a demandé de tout enlever sauf la culotte. Le choc. On ne m'avait pas expliqué ce léger détail. Tu prends une ado timide, rondouillarde et très complexée par ses seins, tu lui demandes de se foutre à poil = humiliation.
Je me suis exécutée. Deux femmes s'occupaient de moi. Elles ont pris quelques premiers clichés dans leur cabine. Elles m'ont dit qu'elles devaient sortir pour les voir, mais il y en avait d'autres à faire, alors je devais les attendre. Nue ou presque.
Quand elles sont sorties, je les ai entendues parler. Très nettement, sans équivoque. Elles riaient. "Ses cuisses se touchent ! A son âge, c'est pas gagné !" Et l'autre a rétorqué "Oh, et t'as vu ses seins ?" Et elles ont ri. Elles pensaient sûrement que je ne les entendais pas.
J'ai attendu sagement, j'avais froid. Je me suis mise en boule sur la table. Le temps m'a paru être une éternité. Elles sont revenues pour une deuxième série de clichés. Dans la cabine, je les ai vues de mes yeux se filer des coups de coude et mettre la main devant la bouche pour ne pas pouffer trop fort. J'étais l'objet d'une bonne grosse marade. J'avais 14 ans et j'étais nue ou presque.
Comme ça là si j'étais pas encore sûre du rapport que je pouvais avoir avec ma poitrine, c'était plié : je la détestais.
J'avais l'impression que "ça" se voyait toujours. J'avais tendance à rentrer mes épaules en dedans, comme pour les cacher. Position dont j'ai toujours du mal à me débarraser, d'où d'ailleurs quelques maux de dos, la boucle est bouclée.
Comme ça me turlupinait pas mal et que ma mère le savait, quand j'ai eu 16 ans elle a émis la proposition que je passe sous le billard. Elle m'en a parlé, je ne pensais pas ça trop possible mais je n'avais pas vraiment de point de vue sur la question. J'avais peur que ça soit pire après, si l'opération était salopée.
Elle en a parlé à mon père. Il était d'accord. Il était inquiet. Il a eu le malheur de l'exprimer dans des termes bien maladroits que j'ai entendus vu que j'étais dans la même pièce "Oui ça me parait être une bonne chose. Car sinon ça risque de lui poser problème plus tard, quand elle aura un petit ami." Je ne sais pas bien ce qu'il a voulu exprimer, mais moi là j'ai entendu "aucun homme ne voudra d'elle, c'est bien trop moche."
BAM. Baffe dans ma gueule. Je n'avais pas encore bien identifié cet aspect. Mais ouais, je ne suis carrément pas baisable ! Qui pourrait vouloir de moi, affublée d'une telle paire de nichons ? Qui pourrait me trouver jolie, qui pourrait ne pas avoir honte de moi ? Qui pourrait m'aimer finalement ?
J'ai donc dit oui à l'opération. On est allé avec ma mère voir son/mon gyneco. Il a palpé mes seins, a trouvé une pseudo explication au problème. Il pensait qu'avant d'aller plus loin, je devais passer une échographie histoire d'écarter tout problème de santé.
Cette fois j'avais 17 ans, je savais que j'allais devoir être torse nu. Red code niveau stress.
C'est reparti. J'attends, assise sur la table d'examen de l'échographe. Il entre. C'est un jeune homme. Plutôt beau gosse. Glurps. Très froidement, sans même me regarder, il me demande d'ôter le haut et de m'allonger. 3615 psychologie ? Personne.
Encore une fois, je m'exécute. Il me fout le gel sur la poitrine, je pense aux femmes enceintes qui ont ça, je me sens un peu femme du coup (c'est con tu me diras).
Il mate ce qu'il a à mater...et RAS, tout va bien. Il me demande le pourquoi de cette échographie, je le lui explique. Là, enfin, il daigne me regarder. Et sur un ton méprisant mais d'une force cosmique, il me sort :
" - Et vous songez sincèrement à vous faire opérer pour ça ?
- Ben euh...oui."
Il a levé les yeux au ciel, et a soupiré. Genre je fais un caprice. Comme si je demandais à me faire faire les seins d'Angelina Jolie. Il ne m'a même pas vue, ne sait même pas quel est vraiment l'ampleur du problème (il est vrai qu'allongée et dans la pénombre, ça se voit moins), mais il a jugé en 3 secondes que je déconnais de la soupière.
Il m'a dit toujours aussi froidement "vous pourrez récupérer les résultats au secrétariat". Il m'a jeté (oui, jeté il n'y a pas d'autres mots) le papier pour m'essuyer à la gueule (je l'ai pris dans la figure, littéralement), et il est sorti. Sans un mot, sans au revoir, sans rien.
J'étais là, seule, torse nu, les larmes montantes, dégoulinant de gel, à m'essuyer comme si on m'avait craché dessus.
Humiliation : check.
A partir de là, j'ai décidé d'en rester là. No opération. Pourquoi ? Trois raisons avouées, et une que je me suis longtemps cachée.
Les trois annoncées, c'est que j'avais peur du foirage, mais aussi d'une cicatrice. Une cicatrice, ça je n'acceptais pas. Par ailleurs, j'aimais à me dire que mes seins me serviraient de détecteur de connard. Mes seins, ben c'est moi, et le mec qui me larguerait pour seins non normés, ben c'est que c'est un immonde abruti. Je ne suis pas qu'une paire de seins ratés, je suis un peu autre chose, et le type que ça gêne, c'est qu'on n'a rien à faire ensemble.
La raison cachée, finalement je ne me le suis avouée qu'en tombant enceinte, soit 10 ans après quand même. En fait, je ne voulais plus me mettre à poil devant aucun soignant. J'avais trop peur d'être à nouveau humiliée. La coupe était pleine. J'imaginais le chirurgien et son équipe se marrer tout en m'opérant. Je trouvais ça ridicule de penser ça, mais c'était ma hantise. Etre l'objet de discussion en staff médical, pour se foutre de moi ou me juger.
Finalement je suis restée avec mon complexe, je ne me suis pas faite opérer, et le Diego, ben il s'en fout ! Oui, en effet, ya un truc qui cloche c'est net...mais il s'en fout. Quand je te disais que ça me servait de détecteur de connard. Diego = pas un connard.
Grand bond dans le temps, en octobre 2010 : je tombe enceinte. Et là, la réalité me rattrape : je vais devoir montrer mes seins.
Si tu veux savoir comment ça va se passer, il va falloir revenir huhuhuhuhuuuuuuuuu (comment je te manipule).